jeudi 11 février 2010

My. Th.

La Revue Littéraire publie un texte d'extrême jeunesse, un texte "adolescent". Alors, que le coeur de la fraternité, notre riprip, vienne dire que le conte de Myriam Thibault est ennuyeux, ça m'incite à le relire et le lui faire relire. Parce que sa réaction manque à mon goût de raffinement et que je crois que la vraie fraternité est un indice de raffinement qui est dans le desiderata oubliés de la France, aussi en littérature. Et je ferai pire, parce que je compte être avocat du diable, comme on m'avait reproché de faire une fois, à nouveau "à la sauce Jean Clair", tout en sachant que la sauce ne fait pas le style, bien-sûr.

J'utilise cette sauce réputée réactionnaire à l'occasion de ce que je perçois comme un contre-temps essentiel dans ce début de carrière avoué de Myriam Thibault. On a voulu lui reprocher en somme sa fadeur, tandis que moi je trouve que sa publication ne manque pas du souffre et du scandale sourds que j'affectionne. Ce que j'ai lu est une déclaration d'amour très compromettante d'une mineur à un homme de son admiration, avec un post-it téléphonique et une photo. Seul je vois, me semble-t-il, la haute tension de sa pudeur, qui suggère un prompt accomplissement d'un amour et qui nous montre en creux une sexualité dont la loi interdit de prendre connaissance, celle des toutes jeunes filles. La simplicité et la primeur des artifices scolaires, dans la probabilité de que la fille qui a remis son téléphone à un monsieur dont elle nous raconte une imaginaire "normalité" soit vraiment l'écrivaine débutante Myriam Thibault, rendent le récit un méticuleux calcul d'érotisme.

Si le réel n'est qu'une possibilité c'est que nous nous trouvons devant une écriture en prises au fantasme. Mais l'écriture rend tangible cette image portant sa dose de réalité, drogue efficace et définitive. Sur le caractère de "souvenir" du récit je fantasme en tant que lecteur, et hautement. C'est le même intérêt que j'ai trouvé dans le premier roman de Dahlia, ou chez des bloggueuses plus mûres comme Marie Lebrun ou Cécile Delalandre, ou encore certains poèmes de Juliette Bagouet, pour citer juste des femmes que j'ai connu du moins autour d'un petit café Nespresso. Il y en a toujours des femmes qui aiment certains hommes, mais il y a peu de récits ou poèmes dans lesquels la femme, en pittrice, dresse un portrait d'un homme aimé comme ex-voto d'amour. La possibilité de ce que le passage sur la remise de ses donnés soit fictionnel ne doit pas nous décevoir entièrement et relève de la sublimation. Même l'amour ressenti peut être toute une fiction du début jusqu'à la fin, et là le calcul érotique rend encore plus compromise l'âme, puisque l'être aimé dévient l'Inconscient même. C'est un phénomène rare que le clivage féministe semblait avoir extirpé de la vie littéraire. Et le refoulement le fait revenir avec force, en symptôme du début de siècle.

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