samedi 8 mai 2010

planches contact d'Eve (1)





*


planches contact d’Eve (1)

Les hommes veulent voir l’intelligence chez le pervers

l’intelligence elle est partout, elle est comme une faiblesse humaine

qui dépasse la stricte spécialisation du malade ou de l’idéologue

*

innocence du débutant et remords de celui qui se sait mortel

Lune et Apollon de la sagesse

elles restent dans l’imprévu d’une photographe classique comme Eve.

*

Elle ne sera jamais plus livrée à son esprit

que dans les planches contact qui précèdent de dizaines d’années ses tirages.

C’est cela qui m’inspire le plus dans sa photographie

l’éveil apocalyptique

de ces dossiers qui regroupent des planches contact avec

pour titre de l’oeuvre

les dates et les lieux

des époques d’une vie

*

On y peut trouver tout, le concept est aboli, le style est indestructible,

sauf le lieu où une oeuvre définie telle l’Alhambra

se réserve plusieurs gros dossiers

où les années de fréquentation du palais

se présentent nues et concentrées

comme dans une mystique orgie royale

faite jeu d’échecs et tragique miroir

dans le désir de lumière du noir

*

Les photos de famille utilisent le blanc et noir

regard d’artiste

et la soeur cadette au fil des années

finit par être une modèle et une muse discrète et modeste

inconsciente de sa beauté et de l’ambition

dans la franchise et la patience du photographe

dans la magie offerte de ses gestes

rien n’est connu du trésor d’une vie de femme

dans la fidélité de ce métier moderne

*

je vous parle aussi d’une femme écrivain

d’une réalisatrice

d’une modèle et muse de plusieurs peintres

métier enivrant et énervant de rendre la vue

*

planche 332

Ce regard de masque grecque

dialectique et d’Artémis

fille d’une maîtresse du dieu

ces contrastes nécessaires à l’élucidation du profil

ce regard de la soeur dans un autre premier plan

qui semble appris d’elle

l’une pose pour l’autre

s’essayant le même moulant noir

ces horizons où l’on perçoit le palace andalou

ces prises d’image comme des gravures

ces personnages d’un matin de soleil

à la porte du bar Pepillo dans la Carrera del Darro

qu’on apprend à connaître dans le sourire et les longues histoires

vieillards séducteurs ou merveilles d’une vie

annoncés par le serveur qui poétise leurs surnoms

et tout cela dans le calme et la chasteté

d’une rivière complice

du courant du négatif

la jeune et belle étrangère qui prête

sa caméra pour poser avec ces êtres de mémoire

*

planche 622

ces chats inexpressifs qui nous regardent

curieux de nos ombres dans l’appareil du poème

chaque chat de la ruelle aura son instant de gloire

et cela les intéresse et les laisse pensifs

rois du flou et des fenêtres

il n’y aurait rien à dire et je serais pur délire

si ce n’était de l’art

le refus dans le regard d’une bourgeoise âgée sous la loupe

plongeante d’une amatrice décidée

les terrasses dans des jardins à la diable

plusieurs torses déhanchés de sa soeur dans les colonnades

le profil frontal d’une courtisane de Botticelli

encore plus fragile instant

ou semblable à l’animal de sagesse chez le chat

mais soucieux de la mode

si nerveux qu’une magazine feuilletée dans le couloir de la mort

parfait avec la douleur d’une providence

les pères vus de loin

qui semblent encore jeunes dans la tiédeur de l’ombre totale

quelques portraits répétés pour des doutes

quelque faute dans la trahison du souvenir

semblables à une image pieuse de Satan

les chats savent entendre la fureur

du métier et de l’art féminin

qui leur prête une attention d’amoureuse ou d’enfant sérieux

pour l’esprit il n’y a rien d’autre à faire de mieux

*

Aucun commentaire: