jeudi 19 mai 2011

Sur Dante (nouvelle mouture en cours de travail)


Sur Dante

Grosso modo, l'on viendrait à dire que le but, s'il y en a, de cet essai, est double, ou triple. Dire du mal est toujours multiple, à doublure, et c'est le caractère de l'écriture romantique, en rupture avec l'académisme et ses louanges du convenu, du classique digéré et dont il est la tisane digestive.

Quelles sont les chiffres qui ordonnent notre "noire" vision de Dante ? Ils nous serons fournis par de vieux réflexes universitaires devenus un peu sauvages. Mettons nous à parler, j'aurai préféré m'adresser de vive voix à quelqu'un assis en face sur le canapé et lui entasser les livres que je veux mettre en contrepoint de la Divine Comédie.

Je suis intéressé à savoir dans quelle mesure la Divine Comédie viendrait remplir la tâche de donner une image plastique à la philosophie scolastique de la Somme Théologique.

Je suis intéressé à savoir si la seule femme que Dante avait en tête en écrivant, était ce vieil amour mort d'une fille entrevue. Cela semble si calculé que l'on ne peut que songer à des femmes cachées ou à une apathie totale de Dante.

Je considère un artifice du même ordre que la nécromancie cette Béatrice ranimée tellement d'années après sa mort, pour remplir les tâches pénibles de la poésie, déjà cadavre en fin de compte, pour devenir le guide et l'objet d'adoration des parties sublimes du poème en trois volets.

Il est intéressant de savoir qu'il y a une transmission presque directe du thomisme chez Dante étudiant. Qu'il ne se contente pas d'être simple illustrateur de corollaires et rend le débat intrinsèque à la dialectique idéologique de la Somme. Comme par exemple lorsque Vanni Fucci blasphème par le biais d'un geste obscène la tendue controverse scolastique de si le blasphème est possible en Enfer est rendue par la pleine contradiction et par la plasticité du récit et de ses personnages.

Il était nécessaire que le blasphème puisse être proféré par les damnés dans la Commedia, puisque sinon il ne serait plus possible dans l'art et il ne pourrait tenir lieu la condamnation de l'art.

Il semblerait curieux que le serpent, symbole shivaïte, vienne punir en Enfer Vanni Fucci et les voleurs en général. Daniélou, sur ce thème, à part de présenter Shiva en parallèle avec Dionysos en tant que dieux de l'extase, fait de ce premier le patron en Inde des voleurs. Le serpent lui est lié par la tradition du yoga, sous le nom récent de Kundalini. Mais ce symbole ne devrait pas forcément nous envoyer dans une trop haute envolée. Ce ne serait qu'en même temps ce que cet animal est pour le paysan, un accident. Mais il est drôle que cet accident porteur de poison soit associé à la connaissance, à l'énergie, et que le voleur souffre par là. Le fantasme du péché contre la propriété privée serait-t-il celui d'un tomber plus bas dans le savoir ? La peur de l'irrespect, de l'accident noétique comme dissuasion inutile de Vanni Fucci, puisque c'est lui qui va aller jusqu'au blasphème ? Il en est plus de l'attentat à la pudeur, presque plus qu'aux richesses. Les richesses, le bien-être proportionnel de chacun, sont assimilés à l'intime, et de là au secret et au sacré il n'y a qu'un petit sautillement de la conscience.

Cela coûtait dix lires à l'époque, chaque fois qu'on fasse ce signe adressé à une image sacrée de Dieu ou de la Vierge, la figue, selon la loi du Prato.

Le Canto XXV commence in abrupto par ce blasphème : Tiens, Dieu, c'est ça que je te donne ! "Togli, Dio, qu'a te le squadro !" A peine fait-t-il allusion au discours pamphlétaire que Vanni Fucci vient de prononcer à la fin du Canto précédent. Le nouveau coup d'éclat pour le poète, le nouveau centre d'intérêt est le blasphème dans sa pour ainsi dire nudité, la nudité des faits.

Il n'est plus état du cercle des blasphémateurs, mais du blasphème à l'intérieur d'un cercle autre.

Voyons ce que dit la Somme (je traduirai librement du latin) :

Deuxième partie de la Deuxième partie

question 13

article 4

Si les damnés blasphèment

AU QUATRIÈME L'ON PROCÉDERA AINSI. On verra que les damnés ne blasphèment pas.

1. Une certaine punition nous arrête de blasphémer en notre vie présente. Or les damnés sont en train de faire l'expérience des douleurs de cette punition, et ils doivent à plus fort titre regretter le blasphème. Alors ils doivent s'abstenir encore plus du blasphème.

2. POUR COMMENCER, le blasphème, tant qu'il soit un péché très grave, il est avant tout un démérite. Or dans la vie future il n'est pas état de mérite ou démérite. Alors il n'y aura plus une place pour la pratique du blasphème.

3. POUR COMMENCER, en Eccle. 11, 3 il est dit "là où le bois cédera, là-bas tu te verras" :

(cliquer ici pour lire le reste du texte)


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