jeudi 28 juillet 2011

Sur Dante IX (et le neveu de Pic)




Béatrice, amour platonique, dolce stil nuovo, amour courtois, fol amour... Les chaînes qui se délient et nous tiennent au Ciel n'en sont pas loin du désespoir.

Merci, Madame R*********, franchement, depuis le temps que je fais de la peinture, que j'écris et essaye de poursuivre mes lectures je me vois devenir de la chair à canon. J'ai 40 ans et l'aigüe perception de me trouver en régulier échec et mat social, me nourrissant encore, comme un écolier, de pure fantaisie. J'ai grandi dans la croyance que d'avoir fait des études mettait un peu à l'abri, que l'on ne pouvait pas être tout à fait dans le caniveau... mais... non... "really smart sucker"... de la chair à canon... on s'en fout des quelques illusions épinglées par le séculaire délire pédagogique... la seule monnaie que je retire des frais (psychiques...) fournis est que je ne sois pas le seul, que je sois uni finalement à la "foule", à la "folie planétaire" dans son cri désespéré... dont acte (j'effacerai le commentaire, il n'y a même pas de "berneinung" sur facebook, qu'en pensez vous ?)


Dans le monde poétique, ni Dante ni le lecteur auraient pu s'entretenir d'une autre femme.

Ouais, Dante ici serait un écolier, et Béatrice une lycéenne, qui l'aurait dépassé de quelques astuces. De prime abord, il est perdu, de son premier et propre aveu. S'ouvre à nous quelque chose qui n'est pas du fantasme, qui est plus dure que ça, qui est en dehors des projections dont juste des rafales la caressent, que ce soit en Haut comme en Bas.

Tu veux dire le corps de la mère ?

Ouais

On raconte, j'ai entendu quelque part, je sais pas, chez des alchimistes à Seville, ou quand je discutais avec un directeur de théâtre bengali, qu'en Chine l'on prépare un dessert exquis en enterrant un oeuf pendant une année. L'intérieur doit devenir absolument noir et délicieux.

La variété de ton ? Horace a fermement condamné la variété de ton. Ecoute, j'ai mal dormi, j'ai rêvé lourdement que je trouvais la plage en haut d'une montagne, et c'était la fin. Le Pôle Nord. Proprement Divine Comédie. Tel Cerbère un ours polar s'approchait de moi, et un fou furieux qui me tenait compagnie et que je redoutais depuis la première partie de mon rêve... enfin, mélange Lewis Carroll, Saint-Georges et le Dragon, et le parapluie et la machine à coudre... Le fou et l'ours polar s'entre-tuent et moi je reviens à l'éveil.

La traduction de Risset de l'Inferno, que je peine depuis de jours à feuilleter, reste ouverte avec sa planche de Botticelli pliée. Je plonge ma difficulté pour lire sur un coin de texte, puis je remonte, piqué de "curiosité".

Drôle de curiosité.

Alors j'arrive à une strophe qui me sidère :
"Ils sont nés d'un même corps, et tu pourras fouiller toute la Caïne, tu n'y trouveras pas une ombre plus digne d'être figée en gélatine; (...)"

Déroutant ne soit que par le fait de trouver une rime sur les vers blancs de Risset. Je propose d'écrire, si l'on veut éviter cette titillante consonance, plutôt :

"Ils sont nés d'un même corps, et tu pourras fouiller
tout le paysage de Caïn, tu n'y trouveras pas une ombre
plus digne d'être figée en gélatine"

Ce qui me donne envie de ressortir le volume en italien :
D'un corpo usciro; e tutta la Caina potrai cercare, e non troverai ombra degna piu d'esser fitta in gelatina

Je pars :

Je comprends qu'on ne puisse
à présent lire des rimes qui endormissent,
trop suivies, trop longtemps.
Sur un lourd volume
les mots chantants
l'attention consument.

Voici que, sur un ton moins ferme, moins exigeant, l'on peut poursuivre cet essai sur Dante. Tellement de fard... au Ciel, en Enfer. Peut-être il n'y a que le passage au Purgatoire... qui est grave. Les lettres françaises sont comme-ça aussi, je lisais récemment de bons poètes, Ponge, Jouve, et même Michaux, et j'avais la sensation d'un bonheur de faganon.

Des chefs-d'oeuvre qui peuvent nous sembler, avec les allées et venues du livre physique, quelque peu "smelly".

Cette histoire de déluge, d'inondation qui vient abîmer une bibliothèque...

Et puis la mort d'Octavio Paz, qui s'est effondré dans la déprime (il était déjà âgé) quand l'ensemble de ses livres a pris le feu pour la deuxième fois, après un premier incendie qui l'avait forcé, j'imagine, à refaire péniblement sa collection...

C'était le feu.

Quoique...

...il n'y a pas de feu "au passé".

Ayant voulu sertir soigneusement (à l'origine) mon essai de considérations latines de Pic de la Mirandole, je ne peux justifier ma paresse qu'en citant son neveu (...?...?,!!...), acheté par erreur.

De imaginatione

Expertus et ego in Johanne Thoma filio eiusce modi res identidem ei a vidua quapiam narratas fuisse in causa ut non solum a plerisque imaginationibus vanis, quas septennis aetas qua etiam maturae aetati convenire posse videntur renuerit, spe magna fretus scandendi caelum ad illas res contemplandas quas imaginatione concepit. Eius modi namque imaginibus moventur impensius pueri quam persuasionibus ullis aut rationibus, quarum minime capaces sunt. Quis enim ambigat pueros ab patrando homicidio abhorrere vehementius, si in eorum phantasiam irrepserit effigies hominis cruentati crudeliterque perfossi dilaniatique, si metus invaserit apparendi eius, atque se, vel nocte, vel interdiu, cum solus erit, persequendi, quam si Dei naturaeque praeceptum proponatur, nocendum nemini, quam si id ingeratur, quod divina lege cautum est, ne quis auctoritate propria quemquam trucidet ?

Ouais,ouais...

J'ai la traduction; mais le copyright et tout ça, je sais pas...

En lisant cela nous sommes tellement en proie aux télescopages que l'on a du mal à croire à ne soit que "l'authenticité" du texte, tout en ressentant comme une profonde trahison à l'esprit de la Renaissance l'exploit pédagogique de Pic le neveu avec son fils Jean-Thomas. Il est certain qu'à la première lecture j'ai trouvé charmant ce détail auto-biographique, en passant, cette apparente "notation"... mais... c'est déjà les Exercices d'Ignace de Loyola, l'Emile de Rousseau, le brain-whashing, un je-ne-sais-quoi d'actuel, la propagande qui se prépare. Le raisonnement m'aurait semblé ajusté à la philosophie, si l'emphase n'avait été tellement mis sur la conduite, sur le dressage. Peu avant, le même Pic nous livre un bout de phrase que j'ai souligné, pour ne jamais le perdre de vue : ut equus faleris et tubarum sonitu, blanditiis canes. Et bien, tout en faisant confiance à cet ouvrage dont j'ignorais l'existence et qui se confond si insidieusement avec mes fantasmes (op.cit.), le neveu de Pic de la Mirandole aurait été tout comme le peintre Botticelli (sur lequel je veux en revenir, en tant qu'illustrateur de Dante) parmi les sympathisants du fondamentaliste chrétien florentin Savonarola. De quoi boucler la boucle.

(la lecture s'étire encore sur ce lien pour cliquer)




...

Aucun commentaire: