vendredi 19 août 2011

Sur Dante XVIII (Botticelli Forever)


Botticelli forever


(Le chapitre précédent étant d'ordre bouddhique,
il est conseillé de passer s'exercer un peu,
en cliquant sur cette parenthèse,
si vous l'avez raté, avant de lire cela)


Il faut cher monsieur que je boive plus que ce que j'ai bu de ce rouge de Gascogne pour que je dise du bien du "dépouillement" des planches finales du Paradiso de Botticelli. Voyez mon dessin ci-haut, les bottes de la jeunette, le collier de perles... C'est bon, n'est-ce pas ? Je ne suis pas défoncé, mais... comme nous disons en Espagne, "tengo el punto". Ouais, on ne peut prendre plaisir à détailler le dessin d'une vulve frontale si l'on n'a pas pris goût à dessiner des oreilles, et bien mieux, ce serait à l'inverse que ça se passe. Je cours chez Botticelli chercher les oreilles, peut-être chez Blake ?

Et oui, c'est ce que je disais : pas une seule oreille dans des centaines de personnages. Un lobe dans la première planche du Paradis sur un plan plus généreux et, disons clairement la vérité, moins médiocre, de Béatrice qui emporte Dante aux hauteurs de l'éther, s'envolant au-dessus des arbres élancés et fragiles de l'Eden. C'est le seul visage de Béatrice de l'ensemble mini-monumental qui, par une rature, semblerait avoir du rouge à lèvres et, par une autre rature, si rare, des beaux cils à l'antimoine... Puis des oreilles acceptables en Enfer sur les grandes figures des géants enchaînés. Mais il est évident que la règle est d'éviter pour malséant le dessin d'une oreille. William Blake ne se dédit de l'interdit, lui, il fait pareil : le géant en a...

Bon, j'ai couru "chez Botticelli" pour ce qui est de ses dessins pour la Commedia, sa "période chrétienne", he, he... Je vais ouvrir l'étude d'Aby Warburg sur les deux chefs d'oeuvre païens de Botticelli (Naissance de Vénus et Le Printemps)...

... et non, pareil, mais on dirait que le Vent joufflu qui harcèle sexuellement la nymphe X. est non seulement "souffleur", mais qu'il a de quoi "entendre", curieux.

J'ouvre le Manuscrit (...) de Potocki, et je trouve ce que je cherche :

Neuvième journée

Vous jugez bien que l'espoir de jouir de l'immortalité et de posséder deux épouses célestes me donna une nouvelle ardeur pour les sciences cabalistiques, mais je fus des années avant que d'oser m'élever à une telle hauteur, et je me contentai de soumettre à mes conjurations quelques génies du dix-huitème ordre. Cependant, m'enhardissant peu à peu, j'essayai l'année passée un travail sur les premiers versets du Schir haschirim. A peine en avais-je composé une ligne qu'un bruit affreux se fit entendre, et mon château sembla s'écrouler sur ses fondements. Tout cela ne m'effraya point , au contraire, j'en conclus que mon opération était bien faite. Je passai à la seconde ligne ; lorsqu'elle fut achevée, une lampe que j'avais sur ma table sauta sur le parquet, y fit quelques bonds et alla se placer devant un grand miroir qui était au fond de ma chambre. Je regardai dans le miroir, et je vis le bout de deux pieds de femme très jolis, puis deux autres petits pieds. J'osai me flatter que ces pieds charmants appartenaient aux célestes filles de Salomon, mais je ne crus pas devoir pousser plus loin mes opérations.
Je les repris la nuit suivante, et je vis les quattre petits pieds jusqu'à la cheville. Puis la nuit d'après, je vis les jambes jusqu'aux genoux, mais le soleil sortit du signe de la Vierge, et je fus obligé de discontinuer.
Lorsque le soleil fut entré dans le signe des Gémeaux, ma soeur fit des opérations semblables aux miennes et eut une vision non moins extraordinaire, que je ne vous dirai point, par la raison qu'elle ne fait rien à mon histoire.

Dans ses lettres, Jean Potocki signale souvent la levée du vent... puis déjà que le Paradis est un lieu ambivalent à Sierra Morena, dans son connu roman, l'on trouve l'idée empirique du paradis aussi dans son voyage en Turquie :

"Le six joints de 1784..."

pardon :

"Le 6 juin de 1784, à Constantinople

"Vous serez peut-être étonné d'apprendre que dans le grand nombre de voyageurs qui abordent en cette ville, il en soit très peu qui puissent en rapporter des idées un peu exactes ; rien cependant n'est plus vrai, les plus observateurs ont épuisé leur curiosité à visiter les monuments de la Grèce, et n'envisagent les Turcs que comme les destructeurs des objets de leur culte. Ils arrivent pleins de cette idée, se logent dans le quartier des Francs, et daignent à peine traverser une fois le port pour aller voir la mosquée de Sainte-Sophie, et revenir chez eux.

"Nourrie par l'étude de l'histoire et de la littérature des Orientaux, ma curiosité m'a fait suivre une autre marche. Depuis près d'un mois, je passe les journées entières à parcourir les rues de cette capitale, sans autre but que de me rassasier du plaisir d'y être. Je me perds dans ses quartiers les plus reculés ; j'erre sans dessein et sans plan. Je m'arrête ou je poursuis ma course, décidé par le motif le plus léger. Je reviens souvent aux lieux dont on m'avait défendu l'entrée, et j'éprouve qu'il en est peu d'inaccessibles à l'opiniâtreté, et surtout à l'or. Les mots jassak, défense, olmas, cela ne se peut, les premiers qui retentissent aux oreilles d'un étranger, sont enfin étouffés par la voix de l'intérêt. Ce sentiment plus fort même que celui de la crainte, les sanctuaires de la religion, ceux de la beauté où s'élèvent et se vendent les jeunes filles destinées à faire l'ornement des harems, tous lieux que n'a jamais vus le commun des voyageurs. (...) des jeunes garçons déguisés en filles exécutèrent une danse, qui représentait les différentes nuances des plaisirs : leurs mouvements d'abord doux et modérés, devenaient successivement plus vifs, et finissaient par des vibrations que l'oeil avait peine à suivre (...) tout cela n'est rien encore, auprès de ce qui se passe tous les jours dans les mayhanés. On appelle ainsi les maisons où se vend la liqueur à laquelle la défense du prophète semble ajouter un nouveau charme. Elles sont dans des lieux retirés où l'on n'entre que par des défilés obscurs et des espèces de chatières : enfin l'on est intro duit dans des cours intérieures ornées de parterres, de volières et de jets d'eau; mais ce qui surtout y attire un grand nombre de musulmans, ce sont les poufchts, jeunes et beaux garçons, (... Potocki orne un peu de préliminaires très littéraires ce qu'il ne peut in fine raconter... puis :) mais ce métier n'est pas exempt de dangers, et demande beaucoup de conduite ; car souvent les poufchts deviennent les victimes de la jalousie et de la passion qu'ils inspirent. Voilà des goûts qui doivent sans doute faire horreur, surtout aux femmes, à moins qu'elles n'aiment mieux regarder comme un hommage qu'on leur rend, celui que l'on adresse à des êtres qui leur ressemblent assez, pour m'avoir trompé plusieurs fois, lorsqu'ils étaient déguisés pour la danse.

"Je veux, avant que de finir cette lettre, vous parler d'une débauche d'un autre genre, fort commune ici, c'est celle de l'opium ; on désigne ceux qui y sont adonnés, par le nom injurieux de tiriaki, que quelques-uns se font gloire de porter. Les moins aisés et les plus fainéants d'entre eux, se rassemblent dans un endroit nommé Tiriak-Ciarfi: là passant continuellement de l'exaltation des sens au sommeil, et du sommeil à l'exaltation, ils abrègent volontairement leurs jours, pour pouvoir les passer dans un oubli parfait d'eux-mêmes. On dit qu'ils sont doux et paisibles, pourvu qu'on ne les réveille pas dans le moment où le sommeil leur est nécessaire, ou qu'on ne les prive point du poison lent, dont ils ne peuvent plus se passer ; car alors il n'est point d'excès dont ils ne soient capables. Après le dernier incendie de Constantinople, ils se sont assemblés tumultueusement pour demander que l'on commençât par rétablir leur ciarfi, et le grand-seigneur le leur a tout de suite accordé."

Les lettres de ce récit de voyage, qui va se poursuivre sur le même ton jusqu'en Egypte, apparaissent au public comme ayant été adressées à la mère de l'auteur, dès leur premier envoi original par la poste de l'époque... Le ventre dont on réclame à être entendu est le stratagème de nos libertés ?

Aujourd'hui, dans l'état second dans lequel me met la lumière du jour d'été qui me vient filtrée, malgré les prédictions de la radio, qui prévoyaient de la pluie, j'ai réalisé pour l'énième fois la même sensation dans le déploiement des planches de Botticelli. Quel bizarre bigarré et quel majestueux ambigu dans les planches du Purgatoire... Ni Paradis, ni Enfer... lieu du passage, parsemé de prodiges, de monstres tenus, de sensations éprouvantes et prometteuses, lieu de rencontres mystérieuses, opaque et irisé, nacré... comme le sexe de la femme.

C'est pour cela que je me permets d'ajouter à l'image de toujours, en supplément, quelques deux dessins de vulves, N/B, pour pas choquer plus du nécessaire, dont ma sublime vision de la "vulve pluriclitoridienne"...





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