dimanche 18 septembre 2011

Sur Dante XXIX (débats sadiens)


copie de mémoire
d'un tableau vivant

(lisez ici le chapitre d'avant, en cliquant)





Nos cogitations et nos amours cachées sont dans la prison d'une Portée en pentamètre. Si notre esprit n'avait cherché à se cacher il n'aurait investi les arts. Enée sauve du feu de Troie le feu domestique de Vesta. La statuette est aujourd'hui un tison qu'on préfère ne pas nommer Klossowski. L'intérêt d'un artiste pour le sens du conjugal. Il y a toute la disposition de la parenté occidentale qui saute en éclats sous la loupe d'une question anthropologique. Et cela permet de revenir sur l'irrégularité de la vraie traduction, puisque L'Enéide est versée dans une langue étrangère tout en étant française. Voyons, un peu de "sors Virgiliae" :

A Junon (car elle sentait l'esprit simulé de celle qui venait de parler, par quoi le royaume Junon détournerait de l'Italie vers les Libyens rivages)

ainsi commença de répliquer Vénus : "Qui serait jamais assez dément

pour refuser de tels projets ou préférer se mesurer avec toi à la guerre ?

Si toutefois ton propos s'accomplir au gré de la fortune. Mais les fatalités me rendent incertaine si Juppiter

veut l'existence d'une seule cité de Tyriens et d'hommes, venus de Troie.

et si, mélangés, il approuve ces peuples, ou par des serments liés.

Toi, son épouse, il t'appartient de fléchir son âme en le priant. Commence, je te suivrai. " Alors, la souveraine Junon (...)

Traduction de Pierre Klossowski

L'on est témoins intellectuellement terrifiés du passage d'une endogamie païenne, à celle qui tient lieu dans la langue française, parole à usage catholique. Et tout se tient dans la rythmique d'une transcription maniaque de la syntaxe originelle du vers, dans laquelle l'on n'a même pas besoin de rime pour pressentir la musique. Elle nous est donnée par l'enchaînement des actions rituelles, cultuelles. Par le tissage de liens, la pantomime de l'intelligence qui cherche à se maîtriser.

A son tour Juan de Mena (dont on a déjà parlé à propos des ressemblances formelles et thématiques de son Laberinto de Fortuna d'avec la Divina Commedia) est plus près que le propre Dante de Virgile et de son théâtrique d'oracles, ne soit par la figure qui préside le poème, Fortuna, et l'invitation implicite au parcours hasardeux du poème en tant que "Laberinto". Puis cet Orphée de Gluck dont l'ouverture me fait penser au maître de céans qui met le poing énergique sur la table et les femmes qui s'affairent autour pour agir, mais selon leurs propres pensées. Une telle différence est donnée dans les domaines de la parole de chaque phrase musicale, de cette polyphonie orchestrale.

J'écoute cependant, mais je retourne sur Juan de Mena, moins connu que l'opéra de Gluck.

Aussi sur l'Enéide de Klossowski.

Magie Noire et Magie Blanche. Ou la Magie Rouge de Bosch. Voyez l'inefficacité de nos idoles...

Les géants, qu'on évoque toujours par association au dépassé, si je ne me trompe pas. Quoi dire du catapultage du géant au genre apocalyptique ? Quoi dire du retour du dépassé ? Qui façonne par couches sinueuses les lignes du bois qui se voient renforcées par un savant vernis ?

Avec Klossowski l'on songe à un athée qui s'entourerait des sculptures d'un polythéiste. Quand on voit la force de "personnification" qui portent les personnages du Marquis de Sade dans le crayon couleur de 180 x 190 cm dans lequel, dans une composition qui n'est pas sans un parallèle avec Le Songe de la Raison de Goya, l'écrivain prisonnier à la Bastille médite sur la mort de Justine et voit un esprit aérien couronner la soeur vicieuse et signaler les yeux ouvert d'épouvante du cadavre d'un geste réprobateur, avec un personnage aux habits honorables de prélat ou de juge qui semble adopter le paradoxe du constat, neutre et nonobstant bien présent.

A-t-on fait une analyse généalogique et une anthropologie de la famille chez Sade ? Peut-être que si. Moi-même je tombe sur la question en novice.

L'alliance du géant et de l'ange aurait répugné à une tête horacienne autant que "un peintre s'avise de poser une tête d'homme sur un cou de cheval, de rassembler de partout des membres divers et de les couvrir de PLUMES étrangement bigarrées, si bien qu'il fasse se terminer en un poisson hideux le plus charmant buste de femme (...) est-ce à dire que dans nos ouvrages les contraires vont se chercher et s'unir ; que les vipères vont s'accoupler avec les colombes, les agneaux avec les tigres?" Or la compétition au sein du lien social, cette Guerre d'Espagne sur laquelle la seule phrase qui m'était dite quand je questionnais les gens était : le frère tuait le frère... N'est-ce pas notre époque éminemment fasciste qu'un accomplissement de tous les impossibles ?

Un essor traumatique, un passage, tient lieu dans le tableau vivant klossowskien. Au fur et à mesure qu'on avance des explications sur la scène, le récit devient de plus en plus confus, tel se passe dans tout processus d'acculturation et de pérennité.

Le vrai but de la culture est la destruction de nos repères dans la chaîne signifiante, voire dans la succession familiale du temps.

Plus j'arrive à déceler une illusion d'idée dans l'intonation d'une chanson, moins je suis en situation de me rendre utiles l'art ou la musique. L'idée ne vient à avoir d'utilité que la détente qu'elle procure, tout comme les heures de sommeil ou la nourriture, à présent toute transcendance me semble une explication provisoire de notre métabolisme. Mais...

...Mais cela me rend en proie à la médiocre suffisance réductionniste de Juan Cabrera, mon professeur à l'université qui, revu récemment, résumait ma démarche et celle de mes amis de la façon suivante : "Vous êtes des petits freakies éparpillés sur la planète. Vous êtes censés ne faire d'autre que de tenter votre chance dans l'Art par le simple fait d'exister et de suivre vos démarches compulsives. Ce sera aux critiques de vous trouver un sens et une niche, ou pas..."

* Interlude final de chapitre (consacré à lecture exclusive des amants du commérage :

C'était à peu près le même discours qui faisait des "écrivains du net" des caricaturaux "wannabe", jusqu'au point que quand un de ces "wannabe" croyait avoir atteint un degré supérieur par quelque minable poubelication il devenait un vrai "master of the Universe" incapable de voir autour de lui autre chose que des fans. J'en ai connu plusieurs qui depuis leur croyance à leur imminent succès me donnaient des conseils sentencieux et condescendants.

Mais c'était particulièrement flagrant chez un monsieur ex-photographe de mode qui avait écrit "un grand roman" et qui est venu à l'atelier vérifier si j'avais bien couru acheter un exemplaire (une de ses premières déceptions) et qui allait se faire d'or avec un projet milliardaire "sur la Shoah" qu'il avait en hardi publiciste mis sous le "label" d'art "statistique". De son imagination était sortie une nouvelle masse carrée de béton à ponctuer les montagnes de l'Europe, qui serait parfaitement grise grâce à des pixels en céramique savamment neutres, et qui deviendrait peut-être un lieu de pèlerinage (mais de cela je pense qu'il s'en foutait pas mal, mettant l'accent sur la fortune qu'il allait se faire). Il me signalait d'un index et s'apitoyait : "ton problème est que tu n'as pas su te faire un label". Devant un cynisme tellement primaire, comment ne pas être subtilement cynique soi-même ? Comment ne pas leur placer, devant, à ces champions, le miroir, le grigri qui leur rende la pareille ?

Je n'avais nulle intention de postuler pour être édité, je faisais tout pour scandaliser. De son côté, sur le forum, le rusé éditeur ayant saisi que ma politique était de profiter d'un espace d'action et d'un public particulier et ne souhaitant pas qu'on puisse songer "à ne pas être publié par lui" a fait tout pour s'adresser à moi comme si j'étais un candidat à sa collection d'écrivains du net, en deux temps : en privé, quoique avec quelques témoins, me demandant de fournir un roman qui serait prochainement publié. En public, une fois que je lui ai fait comprendre que le roman n'était pas à sa disposition et que tout ce que je pouvais lui permettre d'éditer était soit mes
"récits critiques", soit mes "miettes" ou aphorismes, il feignait être objet d'une demande de ma part et me présentant de surplus comme incompréhensible à cause de mon orthographe - bien meilleure que celle de la plupart. Du coup je me suis vu exclu de pas mal de petits cercles, surtout à l'incontournable ville de Bordeaux, ce qui m'a épargné tout un tas de temps à gaspiller en flatteries et que j'ai pu consacrer à peindre et à lire. Et à me faire soigner (là-dessus il y en a de quoi discuter). Le dépassé n'est pas passé.

Je ne voudrais pas avoir à faire à un lèche-bottes de la connexion bordelaise là dessus pour le débat, duquel je n'attends rien.

(poursuivre la lecture sur ce lien)

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