mercredi 28 septembre 2011

Sur Dante XXXIV (du duende)



On est en présence d'une modification symbolique. Voyez sinon comment nous sont imposées par le nouveau rêve des inscriptions telle celle-ci : les foudres de la trahison.

Si l'on a fait état des métamorphoses pour pouvoir replonger dans le mythe, l'on se doit nous aussi d'une certaine mimique en égard de Dante. Comment sommes nous punis ? Quels stades nous purifient ? Quelle est la suprême lumière pour nos yeux ? ...Trois questions pour avancer avec les phares sous un soleil cuisant. Commençons par avoir honte. Nous avons été surpris par la mort. Sursauts. Il est question de sursauts. Du don des larmes, aussi, mais surtaxé.

Des effets d'écran, des murs partout, de la fatigue oculaire... hier soir au concert de cante jondo d'Inés Bacan, à la Cité de la Musique, j'étais assailli par des rideaux en mâchoire comme ceux du game over de n'importe quel vieux vidéo-jeu. Il fallait que la Providence (l'orwellienne providence) m'empêche d'approcher mon coeur, mon corps noétique, d'aller trop loin dans l'écoute... déjà qu'on a pourvu toute écoute d'une priorité de fusion...

Quelle figure bizarre, quelle chimère, cette Inés Bacan, tout comme l'idée d'une "voisine" est chimérique... La voyant en face, assise ou débout, l'air impatient, Inés Bacan me renvoyait l'image d'une voisine gitane comme celles qui ont décoré mon parcours de l'école primaire à l'Albaicin de Grenade. De son regard qui essaie de voir plus loin que les travers de l'illusion des phares sur la scène, de leur petite mort, qui s'aiguise pour percer jusqu'à moi, la pointe est tellement subtile qu'elle arrive à tatouer les paroles de son cante sur l'atome de son choix dans la masse anonyme d'un Moi qui s'ignore.

Il est vieux, ce duende, et maniaque. Il se paie le culot de se faire applaudir par une nation qui pratique la déportation des gitans, qui a la brutale infamie de proclamer depuis ses ministères que la déportation raciale est la priorité du gouvernement. Il se paie le culot de faire plaisir à la France. La France qui veut lire ce que j'écris à propos de la Divine Comédie, puisqu'elle pondère le génie et mâche ma salade et... et telle la bouche de l'Enfer mâche aussi mon âme sans laisser de nuance qui ne soit sucée par son besoin de créativité. Le nombril dont elle parle sans arrêt, accusatrice si elle vous surprends à vous caresser, sérieuse et transcendantale si elle parle de sa laïcité, de son catholicisme... enfin, les deux vrais piliers qui soutiennent son ventre troué.

Le duende avoue de force, et Inés Bacan est capable de le faire dire le fond de sa sagesse, avertissement instantané et panique. Ceux qui prétendent que le duende mange dans leur main, qu'il parle de bon gré, ne savent ce que c'est un gitan, ou un andalou tout-court.

Même si c'est cafardeux de le dire, il n'y a de créativité en flamenco que celle qui est donnée par la dialectique de l'exclusion. Inés Bacan sait qu'elle ne peut défendre naïvement ce qu'elle même pourrait parfaitement illustrer, que c'est encore un piège, et elle imite doucement les interprètes, les vertueux qui ont suivi des cours, les admirateurs éclectiques de la mondanité sybaritique... elle est nerveuse. Non, elle était censée être nerveuse par hasard, par manque, comme l'est l'interprète. Vous êtes loin, les admirateurs, de savoir à quoi consiste la nervosité du créateur... Elle vous libère, avec la tristesse de vos péchés futurs. Elle n'est pas folle, parce qu'elle totalement plongé dans votre folie, à vous renvoyer, à vous mettre discrètement à votre place, sans que vous ressentiez si ce n'est qu'un petit besoin d'uriner, qui vous gène dans votre "écoute"...

Ce n'est pas anodin ou inoffensif qu'Inés Bacan ait chanté des berceuses (nanas). L'on figurerait peut-être ceci comme un apport au devenir historique, et à notre analyse du dantesque. Sensualité finale de la mère, avant l'inactivité cérébrale du rêve. Le chaos progressif, et une chanson pour se laisser faire en confiance, voluptueuse maternelle...

Il faut pleurer pour dire avec décence comment Inés Bacan est belle.

La berceuse est une intensité historique, dans la nuit de notre enfance se croisent les temps, les ronflements des siècles, les bruits, les guerres, la sexualité, les odeurs, les idées assoupies qui répugnent et réveillent telles une sonnerie, finalement, quand il faut partir vite.

D'autres chansons, sans trop d'enjolivement sonore, évoquent "la calentura", le rut, masculin ou féminin, toujours quelque peu viril. J'ai fait remarquer que "l'on n'exécute une danse du ventre en Turquie, qui soit vraiment poussée jusqu'au bout, que si l'on est garçon", dans une conversation conjugale. Il n'y a de l'obscène que chez le garçon, pour l'homme et pour la femme.

Savez vous que le duende, tout comme la tarantella, est une maladie ? Pensez-vous qu'il n'est pas en train de ruser contre vos médicaments, chimiques ou idéologiques ? Savez vous que la Peste (cet ange chanté à l'île de Patmos) même si saisonnière, même si soumise à vos remarquables progrès, une fois qu'elle vous tue, vous êtes tués ? Vous exploitez ? Vous allez exploser... Sarcophages pour oreille, foutre de Dieu dans les yeux, les canins et les incisifs au prix du toc nicotinique, le reste refait, étrange, vous êtes le pantin de la dominatrice ennuyée, qui va vous faire tomber plus bas, faute d'autre chose qui puisse vous contenter. C'est ça, Paris, et la beauté des gitans excite les chiens des concierges et des gendarmes.

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