mardi 13 décembre 2011

état du collapsus de "Théâtre d'odalisques"



mardi, 13 décembre 2011.

A l'adresse de mes amis de ces jours.

Je vous expose à plat la question du théâtre chez moi. Ailleurs j'ai déjà dit que j'étais cette sorte de peintre qui voudrait donner sur d'autres mille et un projets. Très tôt j'ai eu pour modèle dans ce genre l'aventure de Salvador Dali, qui est arrivé à enregistrer une opéra en trois disques, que j'écoutais dans mon adolescence tardive comme le summum de ce que, moi, j'arriverais à être. Une espèce de monarque, un aristocrate par grâce du métier fondateur du peintre. C'est bien pour cela que j'ai voulu faire le plus classique et le plus poussé en même temps, dans le domaine pictural, tirant profit de mon habilité longuement mûrie pour le dessin. Il y a quelque chose du "fondateur de secte", puisque depuis mes premières lectures augustiniennes je me suis très vite identifié au fondateur du manichéisme, qui était peintre selon Michel Tardieu rapporte. Mais je vous écris cette note non pas pour mettre à plat ma mégalomanie, qui est un affaire qui me dépasse, par essence plus ample que ce que je peux en tant que sujet rationnel maîtriser moi-même, qui me rend sujet par égard de celui qui viendra "m'assujettir"...

Il s'agit bien de préciser le déroulement du projet "Teatro de Azufre", qui a porté dans sa sarabande d'autres personnes que moi, non sans que chacun y mette de soi un certain risque. Pour l'instant le projet semble s'être brutalement arrêté, dans un collapsus général. Il avait été ainsi déjà arrivé avec la première tentative de mise en scène en 2000. A l'époque j'avais un autre atelier, non pas à Paris, mais en Espagne, un vieux moulin en pierre grise (une variété locale du marbre, qui est fréquente à Grenade). Nous avons fait plusieurs répétitions dans le froid de cet atelier où nous avons dû faire de la place entre les multiples accessoires dont Lia Guerrero et moi nous servions pour faire de la peinture à l'huile et à la cire, plus de la sculpture parfois. L'enthousiasme qui animait les jeunes acteurs, complètement volontaristes, intéressés à mon texte en partie à cause de ma réputation de freak et d'érudit en même temps, m'a depuis mis sur la piste du désir dans ce qui concerne mon implication dans l'idée du théâtre. Un désir qui appelle à la retombée, à la répétition d'une catastrophe...

Le travail d'écriture est une des choses que je voulais mettre à plat, mais il semble plus urgent de faire état des démarches récentes de traduction et du projet arrêté à sec de deuxième mise en scène.

Il faut préciser que Teatro de Azufre est composé de trois pièces différentes, dans des époques historiques qui viennent dessiner un curieux parcours de la pensée : la première pièce prend pour personnages Néron, son entourage, et Saint Pierre, la deuxième met en scène les libéraux franc-maçons espagnols partisans de José Bonaparte dans la guerre napoléonienne d'Espagne, et la troisième traite d'une façon assez "bizarre" le conflit Israël-Palestine.

Le caractère tragique des poèmes dramatiques, non sans ressemblances avec le tragique décousu de l'Empédocle de Hölderlin ou la Penthésilée de Kleist, venait être donné chez moi par la conception du théâtre apprise de la génération de mes parents. Ce caractère tragique était fortement politique, lié en même temps aux aspirations d'une démocratie réelle, soit d'un communisme, et en conséquence lié à une sorte d'activité artistique d'ordre révolutionnaire. Mais d'autres considérations venaient rendre opaque pour moi le sens de ma démarche : j'avais des penchants que je nommais "contemplatifs", pour la mystique, pour le symbolisme décadent, pour la poésie baroque, et pour la pure cruauté tel conçue par Artaud, mais aussi en tant que démarche érotique et libératrice, qui ne pouvait se faire que depuis l'innocence et la bonté, même si je risquait d'être peu crédible sous un regard profane ou inquisiteur...

En tout cas, dans sa dérive proprement parisienne, Teatro de Azufre a été partiellement traduit en français avec l'aide de Marie-Agnès Michel, et je vous présente un document sonore que certains de vous connaissez déjà, mais qui risque de rester une rareté. Il était convenu d'en faire d'autres de la sorte, mais...

Puis un deuxième document sonore très singulier qui est la répétition du début de la troisième pièce, Théâtre d'odalisques à talons d'aiguille, par Sarra Majdoub (le son est très atténué par l'enregistrement et tout comme la première tentative espagnole, il était question d'un parti pris risqué de sa part que de s'engager dans un projet qui n'avait du tout l'allure d'être solvable à court terme).

Suivent quelques lectures par moi-même des voix masculines de la troisième pièce, celle des odalisques.

Pour conclusion, l'état du projet à présent à mon avis est un collapsus de facto. Je suis enrhumé. Il avait été question de parvenir à être produits, soit par la plate-forme F4, soit par Pierre Merejkowsky, qui était partant aussi pour jouer la voix d'un personnage dans l'enregistrement sonore, soit par mon éditeur et producteur Meligrana Editions. Je songeais en l'occurrence proposer une lecture "en théâtre de société" au Salon Oedipe, tenu par Delia Kohen et d'autres psychanalystes, et qui avait exposé auparavant ma peinture, et peut-être d'autres issues auraient pu se dessiner.

NB.: les pièces sonores seraient mises à l'occasion sur le blog. J'attends vos remarques dans l'idée de publier cette lettre, en tant que présentation de l'ensemble de textes et les quelques pièces sonores, avec les corrections que vous puissiez suggérer, dans le blog, faute de mieux.

Manuel Montero

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